1. Qu'est-ce que le démembrement de propriété ?
Définition et principes de base
Le démembrement de propriété est un procédé ancien, codifié sous Napoléon Ier en 1804. La méthode consiste à scinder en deux le droit de propriété.
Reprenons dans un premier temps la définition même du droit de propriété : « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements » (Article 544 du Code Civil).
On retrouve alors dans la notion de propriété - ou pleine propriété - deux prérogatives : jouir et disposer.
Le démembrement consiste donc à créer deux nouveaux droits découlant de celui de la pleine propriété : un droit d’usufruit (jouissance) et de nue-propriété (disposition).
Usufruitier vs nu-propriétaire
L’usufruiter est détenteur de l’usufruit. Ce droit a deux composantes : l’usus (comprendre le droit d’utiliser) et le fructus (soit le droit de percevoir les revenus).
L’usufruit est consenti ou obtenu pour une durée fixe, qui peut être temporaire ou viagère.
La nue-propriété représente quant à elle le droit de disposer de la propriété (aussi appelé l’abusus).
Exit le latin ! Prenons un exemple concret sur un bien immobilier.
L’usufruitier dispose du droit d’habiter ce bien, ou d’en percevoir les loyers si celui-ci est mis en location. Le nu-propriétaire est, lui, un plein propriétaire en puissance. Il est sûr de le devenir au jour de l’extinction de l’usufruit, avec en plus un bénéfice fiscal.
2. Les avantages souvent cités du démembrement
Avantages fiscaux
Le recours au démembrement de propriété présente un certain nombre d’avantages fiscaux, principalement pour le nu-propriétaire.
Absence d’imposition sur le revenu
Reprenons notre exemple d’un bien immobilier locatif dont vous êtes uniquement nu-propriétaire. Les loyers étant versés à l’usufruitier pendant toute la durée du démembrement, vous n’avez aucune pression fiscale à subir, que ce soit l’impôt sur le revenu ou les prélèvements sociaux.
Absence d’imposition au titre de l’impôt sur la fortune
Depuis 2018, vous êtes redevable d’un impôt sur la fortune immobilière (IFI) si votre patrimoine immobilier net taxable excède 1 300 000 € au 1er janvier de l’année d’imposition.
Quid des biens immobiliers démembrés ?
Sur le principe, c’est l’usufruitier qui est redevable de cet impôt, et pour la valeur en pleine propriété des biens détenus en démembrement.
C’est donc un bon moyen pour l’investisseur en nue-propriété d’ investir dans l’immobilier, sans supporter cette charge fiscale.
Attention toutefois, il existe certaines exceptions à cette modalité de taxation.
Absence d’imposition au titre des impôts fonciers
Sauf convention contraire entre les parties, la taxe foncière est établie au nom de celui qui perçoit les revenus, soit l’usufruitier.
Transmission de patrimoine
En matière de succession, le démembrement de propriété représente un levier majeur pour optimiser la transmission de votre patrimoine (mobilier ou immobilier).
Concrètement, cela revient à transmettre de votre vivant l’intégralité ou une partie de vos actifs, tout en vous réservant la jouissance ainsi que les éventuels revenus générés.
L’opération est simple : vous donnez (à vos enfants généralement) la nue-propriété des biens tout en vous réservant l’usufruit.
Cela vous permet d’anticiper votre succession sans vous démunir totalement. Vous pouvez ainsi bénéficier du renouvellement progressif des abattements et des tranches basses du barème d’imposition (pour mémoire, actuellement 100 000 € / parent / enfant tous les 15 ans).
Fiscalement, grâce au démembrement, vous transmettez votre patrimoine à moindre frais pour vos bénéficiaires. L’administration fiscale a établi un barème codifié à l’article 669 du Code Civil. Ce barème permet de déterminer la valeur fiscale de votre usufruit (et par déduction de la nue-propriété), en fonction de votre âge au jour de la donation.
Si vous avez 62 ans, la valeur de votre usufruit s’élève à 40%. Par déduction, la nue-propriété représente donc 60%.
Prenons l’hypothèse d’un actif immobilier d’une valeur réelle de 250 000 €.
Option 1 : donner de votre vivant la pleine propriété.
Valeur retenue pour le calcul des droits de donation : 250 000 €.
Option 2 : donner de votre vivant la nue-propriété.
Valeur retenue pour le calcul des droits de donation : 150 000 € (soit 250 000 € * 60%).
NB : Le bien est alors intégralement transmis. Au jour du décès de l’usufruitier, l’enfant nu-propriétaire récupère automatiquement la pleine propriété du bien immobilier, sans aucun frais ou taxe à payer.
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Nous contacter3. Les inconvénients du démembrement de propriété
Contraintes pour le nu-propriétaire
L’une des obligations du nu-propriétaire est d’assurer la « gestion paisible » de l’actif par l’usufruitier. Vous ne pouvez pas, en tant que nu-propriétaire, interférer dans la jouissance du bien par l’usufruitier (si celle-ci s’applique dans le respect des lois en vigueur).
Par ailleurs, en tant que nu-propriétaire, vous n’avez pas le droit d’habiter le logement, ou de percevoir tout ou partie des loyers si celui-ci est mis en location.
Ces prérogatives appartiennent au seul usufruitier.
Rappelons que le démembrement de propriété ne porte pas uniquement sur des actifs immobiliers, mais aussi sur des actifs financiers type liquidités bancaires. Dans ce cas précis, l’usufruitier dispose généralement d’un droit dit de « quasi-usufruit » et a la possibilité de disposer pleinement des sommes d’argent.
Autrement dit, il peut tout dépenser à sa guise s’il le souhaite, et léser par la même occasion le nu-propriétaire qui récupère in fine les sommes restantes.
Risques fiscaux et légaux
Le principal risque fiscal qui pèse sur le démembrement de propriété est celui de l’abus de droit.
L’abus de droit fiscal consiste à mettre en place une opération patrimoniale uniquement dans le but d’échapper ou de réduire l’impôt afférent. Le montant des pénalités si l’abus est avéré s’avère très coûteux : 80% de l’impôt fraudé.
Jusqu’à peu, la définition de l’abus de droit comportait la notion d’opération à but exclusivement fiscal. Cependant, depuis 2020, une autre version de cette escroquerie a été insérée dans le cadre de la loi de finances : le « mini » abus de droit.
La nouvelle définition se présente ainsi : elle n’inclue plus seulement un but exclusivement fiscal, mais toute opération dont l’objectif est « principalement » de diminuer l’impôt.
Cela élargit considérablement le champ d’action de l’abus de droit fiscal, y intégrant par conséquent les montages en démembrement de propriété.
Vigilance donc.
Prix cachés et frais imprévus
Si la majorité des frais sont traités par l’usufruitier, attention à la question des travaux.
La répartition des charges dédiées aux travaux entre les parties diffère selon leurs natures : dépenses d’entretien ou de grosses réparations (articles 605 & 606 du Code Civil).
Sur le principe, le nu-propriétaire est redevable des travaux importants, à savoir les dommages qui affectent le bien dans sa structure et sa solidité générale (le toit, les poutres…).
L’usufruitier, lui, assume les dépenses d’entretien, utiles au bon maintien en l’état de l’actif.
Méfiez-vous toutefois des mauvaises surprises : il est possible de déroger à ces règles par l’intermédiaire de conventions signées entre les parties. Pensez à bien vérifier ces points-là !
4. Cas pratiques et exemples
Scénario où le démembrement est avantageux
Dans la plupart des cas, le recours au démembrement de propriété est un atout.
Si vous cherchez à optimiser vos placements, c’est un excellent levier pour vous créer du capital sur la durée sans frottement fiscal.
Si votre objectif est d’alléger fiscalement la transmission de votre patrimoine, c’est un outil qui permet d’anticiper votre succession à moindre frais.
Scénario où le démembrement est désavantageux
Néanmoins, nous pouvons citer deux scénarios ou le démembrement de propriété peut s’avérer désavantageux.
Le premier, lorsqu’il porte sur un actif que l’usufruitier souhaite revendre par la suite. Il se trouve alors confronté à un obstacle majeur : l’accord du nu-propriétaire est obligatoire pour procéder à un acte de disposition. En cas de litige familial ultérieur à la donation, cela peut donc poser un problème de taille.
Second point d’attention : la donation en démembrement doit être effective plus de 3 mois avant le décès du donataire, sous peine de la voir requalifiée ou annulée.
5. Comment éviter les pièges du démembrement ?
Questions à se poser avant d’avoir recours au démembrement de propriété
Afin d’éviter certains pièges liés au démembrement de propriété, il est essentiel de se poser certaines questions en amont :
- Quel est l’objectif recherché ?
- Sur quelle durée envisagée ?
- Vais-je conserver cet actif ou a-t-il vocation à être cédé à une échéance fixée ?
Vaste sujet… C’est pourquoi il est toujours recommandé de vous faire conseiller par un expert en gestion de patrimoine. Nos chefs de projets patrimoniaux sont à votre disposition pour vous accompagner, n’hésitez pas à nous contacter !
Alternatives au démembrement de propriété
En termes d’options, dans une optique d’optimisation de la transmission du patrimoine, nous pouvons citer par exemple le recours à l’assurance-vie.
Ce contrat dispose en effet d’avantages non négligeables, notamment celui de transmettre jusqu’à 152 500 € / bénéficiaire en franchise d’imposition pour toutes les sommes placées avant vos 70 ans.
À noter qu’une clause bénéficiaire est systématiquement adjointe à votre contrat d’assurance-vie. C’est avec celle-ci que vous pouvez désigner la ou les personnes à qui vous souhaitez transmettre votre épargne au jour de votre décès.
Cette clause bénéficiaire peut elle-même être démembrée … la boucle est bouclée !
Que ce soit dans l’optique d’anticiper la transmission de votre patrimoine ou d’une recherche de solution de placement pour votre épargne financière, le démembrement de propriété est une technique patrimoniale particulièrement efficace.
Optimisation fiscale, décote à l’acquisition, absence d’aléas de gestion … Voilà autant de leviers qui constituent une partie de la rentabilité globale du démembrement.
Nos chefs de projets patrimoniaux sont à votre disposition pour étudier avec vous l’ensemble des possibilités qu’apporte cette stratégie. Contactez-nous !
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